Tu avances dans la cour de ton école de cette démarche assurée et déterminée, comme on te l'a toujours appris. Tu prends un malin plaisir à toiser les plus jeunes que toi de haut en bas, en leur lançant des regards à leur glacer le sang. Mal gré ton jeune âge, tu es la reine ici, dans cette école primaire. Tu es celle que tout le monde croit aimer alors qu'en fait, tu ne fais que manipuler ton monde. Tu es aussi la petite première de la classe, et tous les professeurs t'adorent, même ceux qui ne te connaissent pas. Pour eux, tu es l'enfant modèle, bien élevée, travailleuse et sage comme une image. Peut-être légèrement trop prétentieuse, mais maintenant que tu excelles dans toutes les matières moldues, plus personne n'y fait vraiment attention. Mais ta place n'est pas ici, tu le sais. L'année prochaine, tu auras dans place dans cette célèbre école de sorcellerie qui te fais tant rêver depuis des années. L'année prochaine, tu pars à Poudlard, et tu as bien hâte de quitter ce trou paumé dans la banlieue de Londres, rempli de pauvres moldus que tu détestes. Ton père t'as toujours apprit à détester ces personnes là, qui ont eu la malchance de naitre sans aucun don magique dans leur sang. Comme tu les plais. Vivre sans la magie ? Quelle idée idiote ! Magie est synonyme de puissance, de pouvoir. Tu es surement la seule sorcière dans ton école, et tout le monde t'obéis au doigt et à la lettre, tout s'assemble, tout est question de logique. Tu vois un petit s'écarter sur ton passage, et tu lui réponds d'un rire glacial, dénudé d'émotions. C'est tellement drôle de voir à quel point ils te craignent, ces pauvres moldus, à croire qu'ils savent ce dont tu es capable. Tu arrives vers les adultes, prends un air suppliant, toussotes légèrement pour qu'ils remarquent ta présence puis prends la parole.
Je voulais simplement vous prévenir que les torchons, dans les toilettes, sont affreusement sales et n'ont pas une odeur particulièrement agréable. Nous sommes plusieurs a demandé que cela soit changé au plus vite. En disant « nous », tu parles bien sûr de tes esclaves, de ta cour, et de toi même. Tu tournes la tête à droite, et une fille hoches la tête en tentant de prendre un air aussi convaincant que le tien. Tu rigoles intérieurement. Cette fille ne vaut pas mieux que le gars qui, quelques jours auparavant, avait pissé dans un coin de la cour. Elle essaye simplement de te ressembler, tu le sais. En même temps, tu as toutes les qualités qu'on pourrait demander à une petite fille de ton âge, belle, intelligente, lèche-botte, tout ce qui faut. Puis tu tournes la tête à gauche, une autre fillette de ton âge, dont l'allure ressemble étrangement à l'autre fille, répète exactement les mêmes gestes que toi. Vraiment, tu adores ta place dans l'école.
***
Blackburn, Maddy ! Tu sursautes presque à l'écoute de ton nom lorsque la directrice-adjointe de Poudlard, le professeur McGonagall, le prononce. Tu attends ce moment depuis si longtemps que tu en perds presque tes moyens tellement que tu n'arrives pas à y croire. Quelques murmures à peine audibles parviennent à tes oreilles, puis le silence complet s'installe dans la Grande Salle. Tu essayes de ne pas y faire attention, tu inspires un bon coup, puis tu rejoins la sous-directrice près de ce tabouret. Et si tu décevais ton père, en étant envoyé à Gryffondor, ou Poufsouffle ? Tu n'oses même pas l'imaginer. Ton père, qui a toujours été fier de toi, comment prendrait-il ce malheur ? Tu mettrais la honte sur toute ta famille entière. Tu as toujours adoré ton père, au contraire de ta mère. Lui, il a toujours été là pour toi, il a toujours été fier de ce que tu as fait et il le seras toujours, tu en es sure. C'est grâce à lui si aujourd'hui tu es aussi épanouie, aussi sure de toi. Tes parents ont eu un mariage arrangé, étant tous deux de familles de sang-pur. Ta mère, tu ne l'as jamais vraiment apprécié. Au contraire de toute ta famille, elle est la seule à être passée par une autre maison que celle de Salazin Serpentard, elle est une ancienne Poufsouffle. Elle est le genre de femme a défendre les valeurs des nés-moldu et des sang-mêlés, ou autrement dit, tout le contraire de toute ta famille entière, toi y compris. Tu détestes les sang-de-bourbes, et tu méprises les sang-mêlés. Tu as tes valeurs de sang-pur, et tu tiens à les garder. D'une démarche lente, tu t'avances vers le tabouret, puis t'assoies dessus. McGonagall ne perd pas une seconde, elle t'enfile le Choixpeau sur la tête. Ces quelques secondes ont surement été les plus longues de ta vie. Le Choixpeau te parlais, mais tu ne l'écoutais pas. Tu voulais à tout prix être envoyée à Serpentard, c'était une obligation, une évidence.
SERPENTARD ! Crie le Choixpeau tandis que tu es folle de joie à l'intérieur. Tu as envie de sauter de ce tabouret et d'enlacer la première personne qui te tome sous la main. Tu tournes la tête, et ton envie est vite coupée lorsque tu vois le regard de McGonagall sévèrement posé sur toi. Aussitôt, tu t’empresses de rejoindre tes nouveaux camarades de classe et te joins aux festivités de ce début d'année.
***
«
Cher père,
Je te fais un rapport détaillé de ce qui se passe à Poudlard, comme tu me l'as demandé. Figure toi que je suis toujours la première de ma classe, ce qui n'a vraiment rien d'étonnant en soi étant donné les vrais idiots que j'ai dans ma classe. Je crois que les cours les plus ennuyants et les moins instructifs sont ceux que nous, les Serpentard, partageons avec les Gryffondors, ce sont de vrais incultes, incapables de créer des potions. En parlant de Serpentard, Noah est vraiment horrible, il n'en fait qu'à sa tête et ne fait guère attention à ses études. Si tu le voyais au château ! Il est fourré dans chaque mauvais coup ! J'ai vraiment honte de lui. Enfin, j'essaye de l'éviter un maximum, comme tu me l'as recommandé.
J'ai hâte de te revoir aux vacances de Noël.
Bonne journée,
Maddy. »
Tu lances un dernier regard à ton parchemin, puis, après l'avoir soigneusement plié en quatre et rangé dans une enveloppe, tu sors de la salle commune des Serpentard et te dirige vers la volière. Et tout ça, tu le reproduis chaque Vendredi, comme te l'as demandé ton cher père. Tu es heureuse de le tenir au courant de ce qui se passe au château, car plus tu l'informes, plus il est fier de toi, et s'il y a bien une chose qui te tient à cœur, toi, Maddy Blackburn, cinquième année à Serpentard, c'est que ton père soit fière de la personne que tu es devenue. Tu sais que tu es une garce et qu'on te craint dans l'école, tu le sais, mais tu aimes cette position. Tu aimes cette puissance, ce pouvoir. Déjà à quinze ans, tu te rends dans des soirées et tu fais la fête jusqu'à des heures plutôt avancée de la nuit. Et pourtant, tu es toujours aussi soucieuse de tes études. Tu as tellement de facilités que tu peux même jouer au Quidditch et faire partie de l'équipe de ta maison. Tu as une vie heureuse, tu aimes ta vie. Enfin.. Il y a seulement une tache dans ce tableau qui pourrait paraitre parfait aux yeux de tous. Une seule. Et elle a un nom. Noah Blackburn, ton cousin, du côté de ton père. C'est le fils du frère à ton père, et ce malheureux à le même âge que toi. Il a mis la honte sur ta famille, et c'est surement pour ça que tu le déteste autant. Cet imbécile a été réparti à Gryffondor, il y a maintenant cinq ans de cela. Tu ne l'as jamais aimé, de toute façon. Depuis des années, tu t'amuses à le rabaisser. Vous vivez dans le même manoir, celui des Blackburn, dont tu auras surement l'héritage. Tu le détestes pour ce qu'il est devenu, pour le chemin qu'il a pris, pour la maison où il a été réparti. Tu le détestes. D'une démarche lente et assurée, tu entres dans la volière et cherche du regard ta chouette blanche, Princess, qui vient doucement se poser sur le rebord de la fenêtre lorsqu'elle t'aperçoit. Tu viens lui caresser son pelage, puis lui accroches ta lettre au niveau de sa patte, en prenant bien soin de ne pas la blesser, avant de lui adresser quelques mots.
Donne cette lettre à papa ma belle. A papa, à personne d'autre. On ne sait jamais, peut-être que ta mère pourrait tomber dessus.
***
Miss Blackburn, réveillez vous, maintenant ! Tu sursautes presque. Il doit être quatre heure du matin, environ, et tu es exténuée. En effet, la vieille, tu a du te rendre en retenue avec cet imbécile de Noah, ton cousin, aux cachots, pour récurer des chaudrons. Rien de très amusant. En plus, ce n'était même pas de ta faute, il t'avais lancé ses ingrédients de potions en plein dans le visage, lors d'un cours commun aux Gryffondor et Serpentard. Tu déteste ce gars, tu le détestes. Tu ouvres les yeux en grognant, puis lorsque tu te rends compte que la personne qui t'appelle n'est autre que la directrice adjointe de Poudlard, le professeur McGonagall, tu te redresses un peu trop violemment et ton dos cri à l'aide. Tu grimaces, mais reprends vite ton sérieux.
Que ce passe-t-il madame ? Demandes-tu en lançant des regards inquiets à tes amies qui se sont elles aussi réveillées. Le professeur te fait signe de la suivre et tu ne te le fais pas dire deux fois. Tu te lèves rapidement, de plus en plus inquiète, enfile une robe de sorcier, et quitte ton dortoir en quatrième vitesse, manquant de tomber dans les escaliers, et tu suis McGonagall dans les couloirs sombres et glacials. Étrangement, vous vous dirigez vers une partie du château que tu n'as jamais visité, même en six années à Poudlard : la tour des Gryffondor. Tu t'arrêtes quelques secondes, une grimace sur ton visage, mais lorsque tu perds presque McGonagall de vue, tu te remets à courir pour la rattraper. Vous arrivez devant un tableau, et la direction adjointe te demande de l'attendre ici, prononce un mot que tu as eu beaucoup de mal à comprendre, puis entre dans la pièce après que le tableau ait pivoter sur lui même, dégageant un passage vers ce qu'il te semble la salle commune des Gryffondor. Tu attends là, sur place, te frottant les bras à l'aide de tes mains, dans l'espoir de te réchauffer un peu. Tu es très inquiète. Pourquoi McGonagall t'ammène-t-elle ici ? Que veut-elle ? Tu commences à te poser pleins de questions, lorsque soudain, le tableau pivote une nouvelle fois sur lui même, et tu te retrouves face à ton cousin, Noah. Tu soupires bruyamment, mais lorsque tu vois McGonagall vous rejoindre, tu reprends ton sérieux. Elle vous demande de la suivre encore une fois, et vous vous exécutez alors qu'elle traverse à nouveau le couloir sombre. Comme d'habitude, vous vous ignorez, et vous ne vous lancez même pas un petit regard. Tu essayes d'oublier la présence du Gryffondor à tes côtés, et tu te tiens le plus loin possible de lui. Enfin, vous arrivez devant le bureau de la professeur, et vous la suivez à l'intérieur. Il fait légèrement plus chaud ici, et des torches éclairent le bureau.
Asseyez-vous. Tu t'exécutes, tandis que ton cousin fait de même. Vous vous retrouvez tous les deux en face de McGonagall, assis derrière son bureau.
J'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Hier, dans l'après-midi, votre manoir a brûlé. Simple, direct et précis. Tu as du mal à y croire, et tu te demandes si c'est une blague ou pas, pendant une demie-seconde. Mais tu croises le regard de McGonagall, et tu comprends très vite qu'elle est sérieuse.
Papa va bien ? Tu es la première à prendre la parole. Mais la direction ajointe n'a pas le temps de te répondre, Noah est déjà debout, mort d'inquiétude.
Mes parents vont bien ? Et ma tante ?! Demanda-t-il, affolé. Tu sais que ton cousin a toujours été très proche de ta mère, et pour cause, ils sont les deux seuls de la famille à être passé par une autre maison que Serpentard. Même les parents de Noah sont des éternels Serpentard qui défendent leur valeurs de sang-pur, au contraire de leur fils. D'ailleurs, d'après ce que tu as compris, ils ne sont pas très fiers de ce qu'est devenu leur fils unique. McGonagall passe son regard de ton cousin à toi, puis soupire.
Non non, rien pour votre père Maddy, mais pour votre mère.. Elle est portée disparue depuis hier. Tu t'es rassie sur ta chaise à la fin de la première phrase de la professeur de métamorphose, le reste n'avait pas grande importance. Enfin, tu restes attentive quand même, tu souhaites savoir ce qui est arrivé à ton oncle et ta tante. Tu est très proche d'eux, et ça te ferait un pincement au cœur qu'il leur soit arrivé quelque chose.
Quand à vos parents, Noah.. Je suis désolée de vous l'annoncer, mais on les a retrouvé morts, brûlés. Tu restes sous le choc, vraiment anéantie. Doucement, une larme vient rouler sur ta joue. Juste une.
***
Hé Maddy, tu viens à la soirée ce soir ? Tu tournes la tête vers la personne qui vient de te parler. Un de tes amis se tient à l'entrer de la salle commune des Serpentard. Tu réfléchis quelques instants. La vérité, c'est que non, tu n'as pas envie d'y aller. Tu commences vraiment à en avoir marre de ces fêtes interminables où tu rentres bourrée, où tu enchaines mec sur mec. Tu ne veux plus de cette réputation de garce et de croqueuse d'hommes. Tu as grandi maintenant, et c'est fini tout ça. Tu es plus mature, au contraire de la plupart des gens que tu fréquentes, tu sais que l'année prochaine tu quittes Poudlard, et tu as envie de faire quelque chose de ta vie. Tu te mordilles la lèvre inférieur, à la recherche d'une excuse.
Désolée, mais j'ai un devoir à finir. Tu lances, essayant d'être la plus convaincante possible. Ton ami lève un sourcils, surement quelques peu étonné de ta réponse, toi qui est toujours très en avance sur tes leçons et qui prends bien soin de toujours finir dans les temps, mais il finit par hausser les épaules, puis tourne les talons. Tu soupires. Autant l'année dernière, tu aimais cette vie, autant maintenant, tu en as marre. Il y a eu un déclic pendant les vacances d'été, lors d'une de tes nombreuses disputes avec Noah, ton cousin. Il t'as fait comprendre que tu n'étais qu'une pauvre fille, tout simplement. Oui, tu en as pleuré bien des nuits, parce que ça t'as fait mal. Oui, tu en pleures encore maintenant, car la douleur est toujours là. Et Noah.. Tu aimerais te rapprocher de lui, en finir une bonne fois pour toute de cette guerre sans fin, tu aimerais lui faire comprendre que tu as l'intention de changer. Mais comment ? En venant t'excuser ? Tu n'as pas perdu toute ta fierté tout de même. Alors, tu continues à jouer la comédie. Auprès de tes amis, tu es toujours la petite princesse de l'école, la Serpentarde de base. Auprès de ton père, tu es toujours cette petite fille modèle qui défend tes valeurs de sang-pur. Et auprès de Noah, tu es toujours sa cousine qui lui a fait du mal dans sa jeunesse. Tu t'en veux, oui, tu t'en veux. Le fait de penser à tout ça te rends nostalgique, tu tournes la tête à gauche, puis à droite. Tu évites les regards des quelques personnes qui sont présentes dans la salle, et silencieusement, tu montes dans ton dortoir, des larmes roulant sur tes joues. Tu pleures, pendant au moins une heure, tu pleures. Et tu sais que ça n'arrangera pas les choses. Mais est-il vraiment trop tard pour revenir en arrière ?